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MONTRÉAL-KIRKUK Sélectionné au prix du récit de Radio-Canada 2018


Pour tous ceux qui aimerait lire mon récit, le voici en entier.

Pour en savoir plus sur le concours et pour connaître le gagnant visitez

Félicitations à tous les participants et à la gagnante!

BONNE LECTURE MES AMI(E)S!

Montréal-Kirkuk

Au moment où j’écris ces mots, environ 7.5 billions d’êtres humains vivent sur la planète terre, moi inclus. J’ai toujours pensé que lorsque nous rencontrons une nouvelle personne cela tenait du miracle. Pourquoi lui ou elle sur notre chemin de vie et pas un autre? Hasard ou coïncidence? En fait, c’est ce que je me suis dit quand j’ai rencontré Hani. Laissez-moi vous raconter l’histoire d’une des rencontres les plus extraordinaires que j’ai faite. Une rencontre qui changea ma vie à jamais.

C'était en février 2000. L’année où j’ai quitté Montréal pour embrasser de nouveaux défis professionnels à Toronto…Toutes ces histoires de bogue et de nouveau millénaire ne me faisaient ni chaud ni froid, car j’avais le coeur brisé. Non pas parce que je quittais ma ville (oui quand même un peu), mais plutôt parce que mon amoureux venait de rompre avec moi. Très sympathique, il l’avait fait le jour de la St-Valentin.

C’est fou ce que l’amour peut vous faire subir…ou plutôt son absence. Puisqu’il devait m’accueillir dans la ville reine, je me suis retrouvée le bec à l’eau pour me loger. J'étais à une journée de mon départ…

Le 15 février, j’ai quitté Montréal vers 5 h 00 du matin avec les yeux rouges et gonflés. Dehors, il faisait encore noir et une petite neige tombait sur le sol. Je n’avais pas l’énergie de faire ce voyage. Mon cœur n’y était pas. Mais je n’avais pas le choix; j’avais accepté une offre d’emploi incroyable pour ma carrière et j’avais déjà donné ma démission à Montréal. Il fallait y aller.

Ce fut un des plus durs moments de ma vie. Je me souviens encore des premières semaines dans cette nouvelle ville. Le genre de vie où tu as hâte que la fin de semaine se termine afin de revoir les collègues au bureau. En même temps, mon travail n’était pas ce à quoi je m’attendais. Je me sentais déconnectée dans l’univers de mes nouveaux confrères anglophones.

En plus de tous ces changements difficiles à vivre, je n’avais toujours pas trouvé d’appartement. Trouver un logis à Toronto c’était comme chercher de l’or. Ceux qui étaient dans les petites annonces étaient trop dispendieux, trop petits ou trop étranges! Et puis je voulais absolument vivre dans la petite Italie près de la rue College – un quartier qui me rappelait un peu Montréal. Mais en vain, il n’y avait rien d’intéressant en ce mois froid de février 2000.

Ma famille est venue me visiter le temps d’une fin de semaine afin de m’aider à trouver mon nid douillet. Entre deux visites d’appartements, qui ne me plaisaient guère, nous nous sommes arrêtés dans un café.

Ma sœur, mon père et ma mère me regardaient ne sachant pas trop comment me venir en aide. Au même moment, une chanson de Phil Collins passait à la radio. Et là, j’ai eu l’impression que ma famille s'est mise sur pause. J’ai eu un de ces étranges moments où tout resta figé dans le temps. Ils me regardaient et j’entendais en même temps les paroles de la chanson :

« So take, take me home…» (Traduction libre : « Ramenez-moi à la maison…»).

Comment une chanson a bien pu jouer à ce moment précis de ma vie et avec les mots exacts que j’aurai voulu dire à mes parents? Je voulais qu’ils me ramènent, j’aurais tellement voulu repartir avec eux. Oubliez mon histoire et ce mur que j’étais en train de gravir. L’effort de rester à Toronto était trop dur pour moi. Ramenez-moi! Take take me home!

Blessés, brisés et cassés, les petits morceaux de moi-même ont décidé de rester. Je ne sais pas comment ? Je n’ai pas dit un mot à mes parents. J’ai trouvé assez de courage pour ne pas abandonner.

Une petite flamme, minuscule, ténue, était restée allumée. Comme si quelque chose de plus fort me disait de rester.

Un mois plus tard, je trouvais enfin une chambre dans une maison que nous partagions entre six colocataires. C’était sur la rue Grace et elle se trouvait exactement dans le quartier où je voulais vivre. Cette rue changea ma vie et mon destin. Mais ça, je ne le savais pas encore.

Alors nous étions six paumés dans cette grande maison Victorienne. Paumés oui parce que nous avions tous une histoire douloureuse qui nous avait amenés à vivre en groupe dans une même maison! Mais enfin, j’avais ma chambre, 4 murs et mes affaires! La vie normale a repris malgré la tristesse qui pesait dans mon cœur.

Je me suis mise au travail et j’ai relevé tous les nouveaux défis qui m’attendaient. Jusqu’à ce jour, c’est probablement ce que j’ai fait de plus créatif dans ma carrière. On a beau être en mille miettes, la peine peut se transformer parfois en créativité.

Puis, par un beau matin du mois d’avril, l’hiver avait enfin quitté ce coin de pays. La rue College de la petite Italie reprenait vie. Les feuilles des arbres avaient enfin délogé la ville de sa grisaille et on pouvait sentir un vent de renouveau. C'était un beau samedi et il fallait que je sorte me balader afin de profiter de cette belle journée printanière.

En sortant de chez moi, je dois descendre la rue Grace afin de me diriger vers la rue College.

Je marche avec nonchalance et je remarque que devant de moi, un jeune homme marche aussi. Scène tout à fait banale jusqu’à maintenant. Mais sa démarche unique m’amusa! Tout en restant derrière lui, je l’observais et rigolais seule dans ma tête.

On aurait dit qu’il marchait sur le bout des orteils. Ces cheveux mi-longs noir et bouclé rebondissaient à chaque pas et sa tête bien haute regardait à droite et à gauche comme un chien heureux de faire sa promenade quotidienne.

Il était très grand, peut-être plus grand que la moyenne et portait des pantalons courts ce jour-là. Il était probablement le seul en cette journée d’avril à montrer ses jambes. Tous ces détails avaient attirés mon attention et je poursuivais ma marche derrière lui un petit moment. Il s’est enfin arrêté à la fenêtre d’un café qui montrait un match de foot (de soccer) et cette étrange randonnée s’arrêta là. J’ai poursuivi ma route laissant derrière moi ce mystérieux jeune homme.

Ce deux minutes d’espionnage, le premier de ma vie, restera dans mes pensées pour les jours à venir. J’avais aimé voir cet inconnu, même de dos!

Quelques semaines plus tard, je l’aperçus une seconde fois. Il attendait à un arrêt d’autobus du centre-ville. Comme j’étais loin de mon quartier, j’étais assez surprise de le revoir ! Mais qui était-ce?

La chaleur s'installa et enfin le joli mois de juin se pointa le bout du nez! Mes parents étaient revenus me visiter. J'étais bien plus heureuse qu'à leur dernière visite! On en profita pour visiter la ville et les alentours. Nous sommes allés sur la petite rue Baldwin dans un restaurant japonais.

Assis à la terrasse avec mes parents, tranquilles, j’aperçois mon bel inconnu!

Il arriva avec deux amis s’asseoir à la terrasse du restaurant d’à côté. Cette fois, il fallait que je fasse quelque chose. J’étais plutôt affolée, mais j’osai enfin établir un contact. J’ai fait un bonjour avec ma main en sa direction! Il a dû se dire, mais c’est qui cette fille? Mais il me répondit avec un baiser envoyé dans les airs. J’ai plané pendant des jours sur ce simple geste.

Durant tous les mois d’été, je l’ai revu un peu partout dans la ville et surtout autour de la rue College. Plus je le voyais et plus je voulais le connaître. À la simple vue de sa silhouette, j’avais le cœur qui débattait et des décharges électriques me traversaient tout le corps.

Puis arriva le 10 septembre. Le jour où ma vie changea à tout jamais. Je sortais de chez moi, rue Grace. À ma grande surprise, il était là, troisième maison, sur son balcon. Mon bel et mystérieux inconnu, sa guitare à la main. C'était mon voisin! Mon VOISIN! Comment avais-je pu ignorer ce détail important ?

Comment pouvait-il vivre à côté de chez moi durant tous ces mois sans jamais m’en rendre compte? Du coup, tout était clair comme de l’eau de roche. Mon cœur s’emballa de cette heureuse découverte, mais aussi parce que l’opportunité de faire sa connaissance serait plus facile. Je devais passer devant lui inévitablement! Est-ce que je m’arrête?

Et non, j’ai poursuivi ma route pour aller acheter le journal. J’en étais incapable. Mais peut-être qu'à mon retour j'aurai une chance de m’arrêter, pourvu qu’il soit encore à la même place!

Je reviens et arrive enfin devant son balcon. Il était là, mais j'étais incapable de lui dire autre chose qu'un simple « hi! ». Bonjour, en anglais. Il me retourna mon bonjour avec un beau grand sourire. Et me voilà repartie vers chez moi. Mais qu’est-ce qui me prend? Cela fait plus de cinq mois que je vois ce mystérieux jeune homme partout dans la ville, je découvre enfin qu’il est mon voisin et je m’en retourne chez nous comme si de rien n’était?

Au moins, je suis restée dehors sur mon balcon, à l’affût! Heureusement, car je l’ai vu qui marchait en direction de ma maison. Il s’arrêta sur le trottoir et me regarda.

Maintenant, 20 pas nous séparent... deux étrangers se regardent sur la rue Grace à Toronto.

J’ai eu un autre de ces moments de pause où la vie resta figée dans le temps. Cette fois, la seule musique que j'entendais était celle du battement de mon cœur. C’était la musique de ma vie : mais ça, je ne le savais pas encore.

J’ignorais que cet inconnu serait l’homme de ma vie, le père de mes deux garçons, mon mari, mon compagnon de vie. Il y aura des tonnes d’histoires entre nous deux : Rafael, Emanuel, le chien Ronaldo et les petites souris de la nuit. Il y aura les rues Dovercourt, De l’Elan et Dios…Les voyages, le hockey et la mer Méditerranée. Des tomates, des fleurs, des pleurs, du bonheur, des rires et des sourires!

Mais tout cela, je l’ignorais.

Je pèse sur PLAY, sur la chanson de ma vie. J’avance vers lui.

Hani. C’est son prénom. C'est mon amoureux, mon mari et il m'accompagne dans les hauts et les bas de ma vie depuis les dix-huit dernières années.

Lui de Kirkuk, moi de Montréal.

Comment, sur 7.5 billions d’humains sur terre, est-ce lui qui est sorti du lot?

Par la grâce de la rue Grace, était-ce un hasard ou une coïncidence?

Je crois que toute ma vie, c’était déjà écrit.

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